La
Cyathea dregei est une plante incroyable, un véritable ovni parmi les fougères arborescentes.
Alors pour être plutôt familier avec cette plante, je n'hésiterais pas à contredire Fred C., qui je crois commet quelques erreurs classiques concernant les fougères arborescentes.
Tout comme la
Dicksonia antarctica, c'est une espèce disposant d'une aire de répartition immense, et la résistance au froid des cultivars glanés à Madagascar ne peut évidemment être la même que celle des pieds Sud Africains. Si par malheur, la souche génétique de votre Cyathea dregei provient des contrées les plus au nord, sa rusticité risque en effet d'être faible. Les grands pieds de Dicksonia vendus dans le commerce ont exactement le même problème. La plupart du temps, ils sont collectés dans la nature dans des régions non gélives (par exemple Queensland) et ont donc beaucoup de mal à s'adapter à nos climats. Au sein de la même espèce, certains pieds risquent de mourir dès 3/5°C, tandis que d'autres, sevrés au froid depuis des millénaires d'adaptation, se porteront comme un charme même avec une chape d'un mètre de neige sur les frondes.
Mais revenons au
Cyathea dregei.
La première chose à faire , c'est d'être sûr de l'origine du pied que vous aurez décidé d'acquérir. Certaines pépinières préfèrent des plantes malgaches (la plupart du temps sans le savoir), parce qu'elles poussent plus vite. Sauf que ces pauvres plantules auront toutes les difficultés du monde à supporter les hivers européens... quoique, avec beaucoup d'efforts...
La Cyathea dregei pousse certes en Afrique, mais il faut voir où. Je me souviens par exemple d'avoir fait pas mal de Treks dans le Drakensberg, à la frontière du Lesotho. Alors imaginez... vous êtes à 2500 mètres d'altitude... la limite des arbres est quelques centaines de mètres plus bas. Autour de vous, juste des herbes rases et sèches, des plaques de neige et de glace, de la rocaille, et des nuits où le thermomètre flirte avec les -15°c (nous étions en hiver). La seule plante qui émerge de ce paysage de haute montagne, c'est la Cyathea dregei. C'est la seule plante vivace et ligneuse sur des kilomètres à la ronde, la seule qui puisse supporter ce climat infernal.
Outre le gel quotidien (qui dure généralement 4 mois par an), elles sont exposées en plein soleil, font le plein d'UV, et dans des conditions plutôt arides la moitié de l'année. Et elles survivent. Mieux que survivre, c'est même un de leurs habitats naturels. Certes, elles n'ont pas toujours très belle allure, car les frondes des années passées viennent former un manchon brunâtre autour du tronc (c'est un système naturel pour le protéger des agressions). Sauf que malgré leur air de perpétuelle fausse mourante, certains pieds dépassent le siècle de longévité, et finissent ainsi par flirter avec les 4/5 mètres de hauteur.
Alors si vous avez la chance de dégoter un pied issu de cette région (le jardin botanique de Pietermaritzburg en propose), oui, votre Cyathea dregei sera virtuellement increvable au gel, mais de croissance très lente lorsqu'il est jeune, le temps que le pied se sèvre aux conditions climatiques autour de lui. Ce processus d'adaptation peut prendre entre 5 et 20 ans, au long duquel il ne dépassera pas 20 centimètres (c'est donc normal, il faut être patient). Et puis soudainement, il grandit, et en dix ans supplémentaires, il arrive à la hauteur d'un homme. A ce moment là , sa croissance ralentit de nouveau. Ce cycle est d'ailleurs typique des Cyathea, il est juste un peu plus extrême en ce qui concerne les
dregei.
Une autre particularité du Cyathea dregei, c'est qu'elle demande du soleil. Et même du soleil violent. Si elle n'a pas sa dose d'irradiation quotidienne, non seulement elle grandit plus lentement, mais sa résistance au gel est plus faible. C'est paradoxal, mais cela peut s'expliquer au niveau biochimique, les molécules anti-gel n'étant synthétisées que lorsque la plante "imagine" qu'elle est en altitude (=qu'elle se fait bombarder d'UV).
Pour avoir un bon pied de Cyathea dregei, il faut parvenir à manoeuvrer entre tous ces paradoxes. En théorie, si on se fie uniquement aux températures, sa rusticité serait plus que suffisante en Ecosse, et même dans certains coins du sud de la Scandinavie. Sauf que dans de telles régions, il n'a pas assez de soleil, donc ça ne convient pas.
Son climat idéal, c'est le
climat tropical/méditerranéen d'altitude. J'en teste d'ailleurs quelques uns dans les Cévennes, à 700 mètres d'altitude, et ça marche sans problème... depuis plus de 10 ans (les plantules ont émergé en 1995, j'avais récolté des spores sur place).
Un collègue allemand en expérimente aussi un à Berlin (ce qui est déjà plus osé)... Et ça a l'air de marcher. Mais attention, je dirais que c'est parce que le climat berlinois est
sec. La Cyathea dregei étant un ovni parmi les fougères, elle n'aime pas trop d'humidité, surtout en hiver (régime sec si possible). En période de croissance (printemps-été), mieux vaut quand même pouvoir l'arroser assez souvent (dans la nature, elle se prend alors un orage presque tous les soirs durant 5/6 mois d'affilée, même si l'humidité durant la journée est très basse). Et elle supporte sans problème un peu de calcaire (sans excès: -éviter les surplus d'arrosages si votre eau est très dure-). Il ne faut pas lui donner trop de nutriments non plus (c'est une plante de terrains très pauvres), une orgie de nitrates lui brûle les racines.
Donc en ce qui concerne la France, je dirais qu'en Ile de France ou en Limagne, cette plante devrait fonctionner, mais qu'en Bretagne, ce serait un désastre total.

N'est-ce pas paradoxal?